Interview Photographe C. Philip à Lille - Nord


1. Comment suis-je venu à la photographie ?

Pendant des années, j'ai travaillé sur les photos des autres dans un atelier de photogravure. J'avais la qualification de "chromiste", une profession qui a disparu presque en même temps que les dinosaures. Mon travail consistait à optimiser la reproduction des images en fonction du support d'impression et d'y apporter quelques retouches selon les directives des clients : agences de pub, éditeurs, annonceurs, imprimeurs…Ensuite, je suis devenu responsable de fabrication une société de vente par correspondance. C'est là que j'ai (re)pris l'appareil photo. (Je m'étais bien essayé à la photo argentique lors de mon adolescence, avec un labo de fortune installé dans le garage des parents, mais j'ai vite trouvé ça fastidieux et très coûteux !) Pour finaliser le catalogue, il manquait toujours un cliché ou celui qui était envoyé par le fournisseur était de mauvaise qualité, alors je photographiais moi-même les produits. Suite à un licenciement économique, je me suis retrouvé à travailler mes CV et ceux de mes anciens collègues : ma première approche de la photo de portrait ! Et je me suis vite rendu compte que c'était beaucoup plus compliqué que d'appuyer simplement sur le déclencheur…De la photo de CV, j'en suis arrivé progressivement à travailler avec des modèles sur des sujets plus ambitieux et/ou plus amusants.

2. Ce que je trouve enrichissant (ou frustrant) dans mes collaborations ?

Parlons d'abord de ce que je trouve particulièrement irritant : les modèles qui annulent une séance au dernier moment, alors qu'on en a discuté longuement, qu'on s'est mis d'accord sur un thème précis, avec une recherche iconographique, que j'ai installé le studio et les accessoires, fait des tests de lumière et de composition…Malheureusement, pour en avoir discuté avec de nombreux photographes, je sais que je ne suis pas seul à être confronté à ce genre d'indélicatesses, et je préfère les oublier rapidement pour me consacrer aux collaborations fructueuses avec des modèles impliqué(e)s et fiables ! Là, c'est un véritable bonheur. Il y a une réelle complicité qui s'installe, un dialogue créatif et, j'espère, de très jolies images qui en sortent. J'aime travailler sur le long terme, certaines de mes collaborations durent depuis des années, et parfois des dizaines de shootings en commun. Mais le plus gratifiant, à mon avis, c'est le véritable travail sur "l'image de Soi" qui opère. Beaucoup de modèles m'ont confié qu'elles se sentait plus sûres d'elle, plus confiantes dans leur apparence après cette expérience. L'une d'elle m'a dit un jour : "J'ai essayé de poser parce que mon petit ami répétait que j'avais un physique très commun, et ça me complexait beaucoup. Après plusieurs séances, j'ai largué mon copain et j'ai gardé la photo" ;-) Peut-on imaginer plus beau compliment ?

3. Ce que j'aime comme style de photo ?

Tous les styles ! Un "simple" portrait demande autant d'investissement et de concentration que n'importe quel autre genre de photo, avec décors, costumes et MUA, aussi bien de la part du photographe que du modèle. Mais j'avoue que j'aime sortir des sentiers battus, tenter des choses que je n'ai jamais réalisées (avec les risques d'échecs que cela implique, et ça arrive parfois)… J'affectionne les relectures de tableaux célèbres, quitte à verser dans le kitchissime que j'assume ;-) Et travailler sur le flou et la pose longue qui permettent de passer au-dessus de l'anecdote, de la physionomie particulière de tel ou tel modèle pour donner une dimension beaucoup plus universelle à l'image. Une chose me rassure : j'ai eu l'occasion de présenter quelques clichés aux concours de la FPF. Et si mes photos plus traditionnelles obtenaient des notes tout-à-fait honorables, les plus audacieuses se faisaient systématiquement descendre par les jurés ! Cela m'a au moins conforté sur le fait que mes travaux se démarquaient de ce qu'on a l'habitude de voir un peu partout ^^