Interview Photographe M. Laurent à Besançon - Doubs


1. Comment t'es venu le goût de la photographie?

Il remonte à mon adolescence et est foncièrement encré en moi, j'ai pris possession de mon premier réflex vers 12 ans, le boitier de mon père qui exerçait sur moi une attraction.

2. Comment ton travail a-t-il évolué?

Depuis toujours un boîtier m'accompagne, c'est un peu mon doudou (sourire), mais j'ai eu des phases, des tâtonnements, à me demander pourquoi je photographiais. Au début je photographiais essentiellement du paysage des objets inanimés, je n'osais pas entrer dans la sphère de l'humain, étant moi-même plutôt réservé, mais les années faisant je me soigne. J'aspirai à devenir photographe étant jeune mais cela ne s'est pas fait, j'ai même mis par dépit ma passion au rebut pendant près de quinze ans. Vers 2007, une rencontre m'a remis le pied à l'étrier, là j'ai réalisé le besoin que j'avais de photographier des personnes.
L'avènement du numérique m'a permis de développer mes images à ma guise, chose qui me rebutait en labo et du coup me laissait sur ma faim. J'ai une préférence pour des noir et blanc contrastés mais me mets progressivement au développement couleur qui est loin d'être inné pour moi. J'aime toutefois retrouver sur mes images ce grain caractéristique des films d'antan.

3. As-tu des thèmes de prédilection ?

Avec le temps j'ai réalisé que je ne photographiais pas par pur hasard et plaisir de déclencher frénétiquement, la photographie est pour moi comme un support psychologique, comme un moyen d'exposer à la vue de tous ce que même des écrits ne sauraient retranscrire.
Il m'est arrivé de ne comprendre la signification profonde d'une image que j'avais réalisée que quelques années après, alors que lors de la prise de vue elle n'avait pas de vocation à servir une idée.
Deux personnes m'ont interrogé sur les raisons pour moi de photographier, François Benveniste, disparu trop tôt m'a dit un jour :
« Vous ne vous êtes peut être pas vraiment interrogé sur les raisons profondes qui vous poussent à faire de la photo et d'en tirer toutes les conséquences »

Enfin mon ami Hugo White me fit écrire sur mon petit carnet de note : communique à ton modèle tes peurs, des désirs et fantasmes ».

Ceci me ramène donc au thème de la question sur mes sujets de prédilection. La mode pure donc très peu pour moi, elle n'a d'intérêt que l'esthétique de l'image, ce qui m'incombe est de trancher dans le vif de ce qui fait de nous des être vivants et sensibles avec toutes nos failles, nos défauts si tant est qu'il en existe réellement.
J'aimerais traiter du désir, de notre part sombre, du mythe de Pandôre, du débordement émotionnel, l'identité, de nos fantasmes tout ce qui au bout du compte nous élève des barricades psychiques. Pas simple à réaliser et encore moins instagramiser (sourire)

4. Comment travailles-tu ?

J'aime à travailler comme un metteur en scène plus qu'un marionnettiste, j'entends par là sauf pour du posing lambda que je préfère planter le script de mon idée dans la tête du modèle afin qu'il/elle vive ce que j'ai en tête dans sa chair. Cela induit parfois pour des thèmes comme le débordement émotionnel une mise à nu de ma part, pas physique j'entends bien, afin d'expliquer comment cela se manifeste chez moi. Le modèle devient le prolongement, mon reflet dans le miroir.

5. Quels projets as tu dans tes carnets de note ?

J'ai des images déjà en tête assez précises :
Le cycle de la vie
Pandôre
Un triptyque sur la peur de l'engagement et l'abandon
Le débordement émotionnel chez les personnalités limite
Notre part sombre.
Le désir
et un qui me tient particulièrement à cœur qui aura pour titre : Rien n'est réel.