Interview Photographe B. . - Paris


1. Comment définissez-vous votre travail de photographe?

On dit souvent que le photographe doit avoir une vision et c'est très certainement vrai, mais en ce qui me concerne, c'est rarement totalement une vision à priori, mais plutôt une vision qui se construit autour et avec le modèle et les membres de l'équipe, la/le DA, styliste, mua, hair stylist, etc. C'est un processus créatif qui implique tous les participants au projet et dans lequel la part de chacun est essentielle. J'aime cette émulation, cette synergie créative qui fait que le résultat est bien plus que ce que chacun aurait jamais pu faire seul. Et c'est ce qui est fascinant dans la mode qui est toujours le résultat d'un travail d'équipe quand bien même il se réalise sous le contrôle d'une seule personne. De là, je définirais l'essentiel de mon travail de photographe comme le challenge de choisir de bons projets, les bonnes personnes avec qui travailler et à fédérer les énergies de chacun vers un objectif créatif commun.

2. De manière générale, quels sont les types de projets sur lesquels vous travaillez?

J'évolue pour l'essentiel dans le milieu de la mode et c'est donc ce type de projets qui m'intéresse au premier chef. Comme beaucoup de photographes, mon travail est partagé entre les commandes, qui ne sont pas forcément dépourvues de créativité, mais dont la dynamique essentielle repose sur les critères et la satisfaction client et d'autre part, les projets personnels, où on peut se lâcher en terme de créativité, et qui pour ma part ont presque toujours une visée éditoriale magazine. Car il y a en effet une dynamique au final vertueuse entre la visibilité que confèrent les publications et les commandes client.

3. Comment se monte et se passe un éditorial magazine ?

Un édito peut se monter de deux manières: soit à la demande du magazine ou du moins avec son accord, soit à la seule initiative du photographe à qui il reviendra alors de trouver le magazine qui le publiera. Dans le premier cas, la publication étant d'emblée assurée, il sera beaucoup plus simple d'obtenir ce dont on a besoin: la mise à disposition d'un lieu, de vêtements et accessoires de designers par les bureaux de presse qui les représentent, de mannequins par les agences, etc. Dans l'autre cas, en l'absence de tout engagement d'un magazine à publier l'éditorial qui sera produit, tout repose alors sur la force de conviction du photographe, la qualité de son réseau, sa notoriété, etc.

4. Quelle est votre vision de la relation photographe et modèle?

Cette relation est souvent fantasmée de manière irrationnelle et malheureusement, hantée et pervertie par le fantôme d'individus qui n'ont rien à faire dans ce métier. Toutes sortent d'histoires circulent en effet sur des photographes irrespectueux de leurs modèles et dont le comportement jette au final le discrédit et la suspicion sur l'ensemble des photographes. Par conséquent, mon premier souci est de faire en sorte que le modèle soit rassuré quand au caractère professionnel du shooting. La relation doit bien évidemment être cordiale, sympathique, mais jamais familière, ni personnelle. La complicité et l'émulation réciproque sont importantes, mais dans une dynamique artistique et respectueuse. La plupart de mes shootings se faisant en présence d'une mua, voire d'une véritable équipe, je constate que cela a pour effet de remettre la relation photographe-modèle à sa juste mesure, comme un des rouages certes essentiel, mais néanmoins non-exclusif d'un travail d'équipe beaucoup plus large et qui, pour le modèle, fonctionne un peu comme un cocon protecteur.

5. Vous êtes également agent de mannequins, quels rapports entre ces deux activités?

Ce sont pour moi deux activités totalement différentes mais qui se complètent ou s'enrichissent sur certains points. Lorsque vous évoluez en tant que photographe de mode, vous apprenez à reconnaître les personnes qui présentent un réel potentiel pour le mannequinat et qui sont susceptibles de travailler en agence. Mais les rapprochements s'arrêtent là, car le travail d'agent, qui est du management et du développement de carrière, n'a sur le fond rien à voir avec le travail de photographe.

6. Vous collaborez également au magazine Tommy qui est un magazine de nu. Quel rapport entre la nudité et la mode?

La nudité s'est introduite dans la mode depuis bien longtemps, notamment sous l'influence de photographes de génie comme Helmut Newton qui travaillait régulièrement pour Vogue et dont on a dit qu'il avait inventé le porno chic. La mode est autant l'art de vêtir que de dévêtir. Autant la nudité pure peut être ennuyeuse et prévisible, autant elle peut être intéressante lorsqu'elle est mise en scène par le vêtement, un tissus, des accessoires, des éléments qui la sublime et lui donne sens. Mais les pièges sont si nombreux - entre le mille-fois vu, l'inutile et l'ostentatoire, que la nudité est, plus que tout autre chose, un vrai challenge.